Traduire l’intériorité, un exercice devenu difficile

Je me retrouve de plus en plus face à la difficulté de traduire mon intériorité sur les réseaux et avec des gens que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Ça me semble tout à fait normal maintenant que je l'écris, mais pendant des années c'est plutôt l'inverse qui a été vrai.

Internet m'a offert l'opportunité de m'explorer, de me découvrir et de me raconter à demi-mots et dans le brut, dans la poésie et les images — sans avoir besoin de le communiquer à quelqu'un en particulier.

Je me laissais é-mouvoir par une force qui avait juste besoin de tout amener à l'extérieur,

d'extraire du Soi, peut-être pour me prouver que j'existais aussi dans le monde si je parvenais à ··· laisser une trace ···

J'ai alimenté un nombre incalculables de blogs et utilisé différentes plateformes pour étaler mes réflexions, mes pensées, et exprimer ma créativité. Ces endroits ont été des espaces-vitrines devant lesquels d'autres personnes pouvaient s'arrêter ou passer leurs chemin. Mais en réalité, je n'avais pas vraiment conscience des autres. Je prenais peu en considération l'extérieur dans lequel je déversais le trop plein. Mes mots étaient des tentacules et je voulais occuper des espaces en dehors de moi.

Entre <avant> et .maintenant. j'ai appris à utiliser ma voix, à communiquer plus directement, à dire à tel ou tel·le ce qui me parcourait.

En tant qu'entrepreneuse, je ressens cette pression à me révéler pour attirer le regard—être reconnaissable—attiser la curiosité. Il faut pouvoir sortir suffisamment du lot et briller de sa fréquence pour qu'on puisse jeter un regard. Raconter son histoire par soucis de relatabilité : pour que d'autres comme moi sachent qu'iels ne sont pas seul.es avec leurs ressentis, leurs émotions et leurs vécus; et peut-être faire communauté.

Ce qui me bloque un peu aujourd'hui, c'est de ne pas savoir à qui je parle d'emblée. Ici, je n'ai qu'un écran en face de moi et l'espoir que malgré tout, ça touche. Ça me donne l'impression de parler sans vraiment communiquer.

A qui sont les oreilles ou les yeux qui recevront mes mots ?

A qui appartient l'âme pour qui les mots résonnent ?

Qui est et sera réceptacle de cette vivance ?

Mais surtout,

Comment faire quand on a appris que couper la communication entre le dedans et le dehors pouvait sauver ?

Pour survivre, il fallait cacher l'intériorité du monde extérieur, déconnecter [la richesse et les mouvements de la psyché et du cœur] [du danger que peut représenter l'Autre]

Mais pour vivre... inutile de tomber dans l'étalage forcé de la vulnérabilité. La vérité n'a pas besoin d'être délivrée bien décorée, papier cadeau et ruban doré. Seulement quand elle est prête; parfois brute parfois bien marinée. Pour vivre, il est nécessaire de

Se réconcilier dans l'espace entre-deux,

Se rassembler dans le corps calleux, là où l'inter et l'intra personnel se rejoignent.

Et accepter mon rythme, aussi, —celui d'une belle-de-nuit.

Laisser passer le jour et Se laisser tout le temps d'éclore.

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Translating my inner world, a work in progress